dimanche 25 septembre 2011

20 - L'enclos de la Vacquerie

Un moment déjà que je compte évoquer l'enclos, une figure essentielle de l'architecture : le passage, retour de balade, devant le cimetière si particulier de la Vacquerie, m'en donne l'occasion. C'est un beau lieu de paix, planté de grands arbres serrés derrière leur mur, droits, qui fusent de Terre à Ciel. L'accompagnement des âmes ?
Premiers

Dieu crée ciel et terre
terre vide solitude
noir au-dessus des fonds
souffle de dieu
mouvements au-dessus des eaux

Dieu dit lumière
et lumière il y a
Dieu voit la lumière
comme c'est bon
Dieu sépare la lumière et le noir

Soir et matin
un jour

Dieu dit
Voûte au milieu des eaux
pour séparer les eaux des eaux
Dieu fait la voûte
et sépare les eaux sous la voûte
des eaux sur la voûte

C'est fait
Dieu appelle la voûte ciel

Soir et matin
deuxième jour

La Bible, Genèse 1,1, ici dans sa traduction par Frédéric Boyer et Jean l'Hour, aux éditions Bayard, Paris, 2001
La création du monde commence ainsi, par la séparation, la différenciation. & paradoxalement (?) c'est bien la différenciation qui évite la solitude… L'enclos c'est ça : un espace différencié de celui de l'extérieur. L'espace sacré par rapport au profane, l'espace des morts par rapport à celui des vivants, l'espace du pouvoir par rapport à celui des sujets… & bien-sûr le symbole de l'être intérieur, de l'intime dont chacun reste maître absolu, au milieu de l'espace social. Son étymologie confirme cette idée : le clos désignait tout d'abord le "terrain cultivé, fermé de haies". C'est l'espace limité de la culture, le jardin, au milieu de l'espace naturel, lui-même indifférencié. Un espace dans lequel on entre, bien qu'il soit à l'air libre.
L'enclos est bien sûr l'archétype de l'architecture, qui elle-même est fondée sur une double symbolique : masculine parce qu'elle s'érige, féminine parce que l'on y pénètre. Toute la dialectique de l'architecture est là.
Certains enclos sont matérialisés, fortement ; d'autres plus symboliques : amusez-vous à tracer un cercle à la craie sur une place de votre ville, puis placez-vous dedans. Vous constaterez que les passants respectent votre espace...
Le dedans, le dehors, la différentiation, ça ne nous rappelle rien ? "Enceinte" est le mur qui défend une place forte, tandis qu'employé comme adjectif le mot nous ramène à notre genèse individuelle...

En toi j'ai été albumen, œuf, poisson,
les ères sans limites de la terre
j'ai traversé dans ton placenta,
hors de toi je suis compté en jours.

En toi je suis passé de cellule à squelette
un million de fois je me suis agrandi,
hors de toi l'accroissement a été immensément mineur.

Je suis éclos de ta plénitude
sans te laisser vide parce que le vide
je l'ai emporté avec moi.

"Mamm'Emilia", Erri De Luca, dans le recueil de nouvelles "Le contraire de un", Gallimard 2004 pour la traduction française de Danièle Valin

4 commentaires:

Unknown a dit…

Wouahhh !
Et ta grippe l'as-tu gardée dans ton enceinte, ou l'as-tu laissée... éclore avec le vide qu'elle a emporté, dans cette terre qui sait si bien recycler !
C'est ça aussi la séparation, laisser l'autre (même une grippe...) devenir une "fleur" !
Mais à son tour, la fleur aura besoin du papillon... et c'est la grande impermanence !
C'est ça qui m'émerveille dans la Nature : cette fluidité omniprésente. La Vie quoi !

Bruno Lapostat a dit…

Aucune grippe ne résiste à 20 kilomètres de marche rapide : les toxines brûlées finissent dans le tee-shirt.

Les miasmes grippaux trouveront comment évoluer sur un autre porteur : "Il n'existe rien de constant sinon le changement" disait Bouddha... & la règle du jeu du Mistigri !

cathy artz a dit…

pauvre tee shirt il n'a rien demande lui , mais au moins il aura peut etre eu envie de sauter le mur de cette place forte!!!!!!!!!!

Bruno Lapostat a dit…

Bah, il s'en remettra ! Alors qu'une grippe, chez un vieux monsieur comme moi, ça aurait pu être fatal...

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