samedi 27 février 2010

11 - Le cimetière de la famille Brion-Vega, San Vito d'Altivole

Une chronique dédiée à Marie-Lys SOURNIA-CARBONEL, peintre et enseignante d'art plastique à l'Ecole d'Architecture Languedoc Roussillon, et Bernard SOURNIA, historien d'art, les premiers à m'avoir mis dans l'oreille le mot "vesica piscis"...
Un moment déjà que j'ai envie d'évoquer la vesica piscis, et la mandorle... La mémoire d'un voyage d'étude dans le nord de l'Italie, alors que j'étais étudiant en architecture, va m'y aider. C'était en octobre 1986, et avant de partir, un ami, jaloux du voyage, m'avait dit "certains lieux, à certaines époques, peuvent rendre fou." Et c'est vrai.
Il est bien plus facile de dessiner un cercle qu'un carré : nul doute que le tout premier géomètre a dû commencer par là ! La vesica piscis est un tracé géométrique, simple, archaïque, universel. Il s'agit de tracer un cercle, puis un deuxième, de même rayon, le centre sur le périmètre du premier. Vesica piscis : la vésicule en forme de poisson, que les premiers chrétiens ont récupéré plus tard, bien plus tard, pour en faire leur symbole, le poisson.

L'intersection des deux cercles forme la mandorle - l'amande. Petit détail : la fleur de l'amandier est hermaphrodite : l'amande est la synthèse des deux polarités, masculine et féminine. C'est par cette amande que l'on représente l'aura, la lumière qui émane de tout être - certains étant plus lumineux que d'autres ! Une lumière qui émane de la première cellule qui forme l'être, celle qui renferme l'âme, et qui reste cachée "au plus chaud du cœur" (1).
Si l'on s'amuse à poursuivre le tracé, on obtient la Fleur de Vie, celle-là même que l'on trouve dans à peu près toutes les civilisation, notamment elle orne les temples égyptiens. Sept cercles sont nécessaires à son tracé : bien entendu, les sept jours de la Création.

La Fleur de Vie est aussi le tracé de base de l'étoile à six branches : le Sceau de Salomon, autre grand symbole. Ce Sceau de Salomon on le retrouve dans la nature, notamment les fleurs de lys (3 pétales + 3 sépales), ou les sépales des grenades, qui, lorsque le fruit est bien mûr, se déplient en forme d'étoile à 6 branches. Le temple de Salomon était orné de grenades (2)...
Par ailleurs ce fruit contient de très nombreux pépins, ce qui le fait associer à la fécondité. Il est sensé en contenir 613... 613, comme le nombre de mitzvots, ou commandements de la Torah. Nombre que les numérologues auront tôt fait d'en faire une réduction anthroposophique... Pour arriver à 1 : l'origine. Tout ça, toute cette somme de la pensée hermétique, en partant d'un tracé bien modeste. Une approche holistique du monde.

Les kabbalistes auront remarqué que le tracé de la vesica piscis est aussi à l'origine du tracé de l'arbre séphirotique... C'est ainsi que la mandorle représente le pilier central de l'arbre, le pilier de l'équilibre entre la polarité masculine et la polarité féminine.
La mandorle code aussi la vulve...

La vulve, c'est une porte : celle qui permet le passage d'un élément à l'autre, de l'eau à l'air, d'une Vie aquatique à une Vie aérienne - c'est notre destin individuel que de vivre ainsi celui de l'évolution de l'espèce tout entière : passer de l'organisme unicellulaire au multicellulaire, puis passer du poisson au mammifère. Passer d'une Vie dépendante à une Vie autonome, aussi. Une porte, donc, et ça nous renvoie à la porte de la cathédrale de Maguelonne : ... où les constructeurs avaient voulu, dès le tympan du portail d'entrée, prévenir ceux qui savaient : le Christ dans sa mandorle, entouré des 4 évangélistes, ce que le Prophète, bien entendu, lisait ainsi : "l'homme sortant de la vulve du monde, entouré des 4 éléments, marquant l'entrée du dolmen régénérateur." (3)
Le passage, donc, vers la régénération. Quoi de plus logique que de faire de ce tracé l'entrée d'un cimetière ? C'est ce qu'a fait Carlo Scarpa, célèbre architecte italien, pour la famille Brion-Véga, dans les années 70. C'est une variante du tracé originel, il en existe plusieurs... Tout comme le "dolmen régénérateur" figuré par l'abri en béton au-dessus des deux tombes - deux tombes, doucement inclinées l'une vers l'autre... Ah, ces italiens, incorrigibles romantiques ! (4)

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1 - Henri Gougaud, Le livre des chemins, Comment Vieux-Père et Vieille-Mère cachèrent le secret de la vie
2 - La Bible, Rois 7:18-42, et aussi Le Cantique des cantiques 4:3, 6:7 et 8:2
3 - Henri Vincenot, "Les étoiles de Compostelle"
4 - En français dans le texte

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