dimanche 15 novembre 2009

05 - Cathédrale de Maguelone - La porte

Tous les bâtiments sont porteurs de symboles - ceux qui semblent en être dépourvus étant les pires... ! L'île de Maguelone a connu plusieurs périodes d'occupation, on y trouve des vestiges wisigoths, sarrasins, c'est un lieu riche, un point particulier sur la côte, une ancienne cheminée volcanique, comme le mont Gibret. L'ancienne cathédrale fortifiée de Saint-Pierre de Maguelone a donc été construite sur des vestiges existants, en plusieurs temps. C'est un bel exemple d'architecture romane, époque portée par la simplicité, l'anthropomorphisme et le symbole.
Le symbole on le trouve dès le portail d'entrée : bel ensemble de marbre blanc, Saint Pierre sur le côté droit (il porte 2 clefs, il commande l'accès au paradis, à l'enfer), Saint Paul à gauche. Le tympan représente le Christ, entouré des 4 évangélistes : l'ange (Saint Matthieu), l'aigle (Saint Jean), le lion (Saint Marc), le bœuf (Saint Luc). Le carré c'est la terre, ils peuvent être associés aux 4 éléments qui régissent la Vie terrestre (Terre, Eau, Feu, Air), ils figurent 4 "passeurs" vers la Vie céleste. Le Christ représente le cinquième élément, l'élément unificateur des 4 autres, celui qui les met en mouvement, un élément que l'on nomme "éther" en Occident, "Qi" en Chine, "Ki" au Japon, "Prana" en Inde, un élément qui est en relation avec ce que les physiciens modernes appellent le "plasma" : une énergie régulatrice sous-jacente, présente partout.
On entre dans la nef par l'ouest, face au chœur qui est donc situé vers l'est, vers l'orient, vers Jérusalem - le levant, le renouveau, lorsque Soleil sort de sous nos pieds pour aller au-dessus de nos têtes.
Le passage du profane (l'espace extérieur) au sacré (la nef) se fait par la magie (le rite, le rituel) : la porte est donc un passage magique. Ici la porte est basse : non pour que celui qui pénètre le temple se plie en signe d'humilité, mais plutôt pour figurer la difficulté de passer du profane au sacré. L'initiation est semblable à la naissance, un autre "passage de porte". Celui-ci se fait en passant sous un linteau gravé de feuilles de chélidoine, le "lait de sorcières", symbole celtique, et non d'acanthe comme il est dit trop souvent...
Le tympan est encadré d'une large archivolte aux longs claveaux de marbre : ils sont au nombre de 15, le nombre du Diable (Cf la lame XV du tarot de Marseille). Les bâtisseurs ont-ils voulu ainsi montrer qu'il suffit de mettre le mal dans la plus grande, la plus haute lumière, celle de la conscience, pour le combattre le plus efficacement ? Une manière de rendre les démons (nos pulsions) impuissants... Une idée que n'auraient pas reniée Freud, Jung, Lacan... 
La porte et la clef codent un symbolisme assez proche : Saint Pierre porte 2 clefs, l'énergie de la bi-polarité : bien/mal, principe masculin/le principe féminin, Ciel/Terre, jour/nuit, ombre/lumière - le symbole de la clef est porteur d'initiation (l'ouverture) et de discrimination (la fermeture), en alchimie on dit coaguler/dissoudre, en Orient yin/yang, en médecine traditionnelle chinoise on parle de disperser ou tonifier... Saint Pierre étant la forme chrétienne de Janus, maître des portes solsticiales, croissance/décroissance des polarités jour/nuit. Bi-polarité représentée aussi par son face-à-face avec Saint Paul, ou encore par celui des 2 cerbères gardiens de la porte, en haut, de part et d'autre. L'un a les cheveux frisés, ressemble à un sarrasin, l'autre porte des cheveux plats, ressemble à un celte, l'orient face à l'occident : nous sommes sur un lieu qui a connu de multiples mouvements de population... 
Comme souvent dans ce type d'édifice, le Maître de l'œuvre laisse inscrite la mesure qui a servi de base à la construction, sous forme d'une pierre d'angle, par exemple. Ici c'est la pierre qui est en bas à droite du portail, en-dessous de Saint Pierre... Le symbole est évident.
Cette époque connaissait de multiples système de mesure, chaque région ayant le sien : le pied romain (29,5 cm), le pied druidique (31,416 cm) le pied de Charlemagne, en rapport avec la coudée royale égyptienne (32,36 cm), et toujours en rapport avec la stature humaine. Ici la pierre est taillée sur 2 pieds de 30,9 cm de large, la hauteur étant le résultat du rabattement de la diagonale du double carré de 1 pied sur 2. Il est a noter que cette proportion entretien un rapport avec la section dorée (le "nombre d'or"), tout comme la mesure de 0,618 mètre... La cathédrale est d'ailleurs bâtie sur un réseau tellurique appelé "Réseau d'or". Les photos montrent comment le module de base a servi à composer l'ensemble de la façade, à l'imprécision relative aux outrages du temps et aux déformations du cliché près... Deux exemples de tracés régulateurs à partir de ce module de base : ils ne sont pas contradictoires, mais plutôt complémentaires, et il en existe d'autres, plus aboutis, c'est sûr ! Des tracés qui ordonnent cette très légère dissymétrie entre les encadrements droits et gauche de la porte, par exemple... Et la même proportion, le même module se retrouve, selon toute probabilité, dans les dimensions intérieures, ce que je vérifierai l'un de ces jours : nous sommes en présence d'un très haut lieu, il mérite que l'on s'y arrête un peu.
La porte est placée dans un pan de mur de pile 12 pieds de large : le rapport symbolique au nombre des apôtres est manifeste, 12 étant un nombre très courant dans l'architecture sacrée romane - nombre que nous retrouverons à l'intérieur de la nef, lors d'une prochaine chronique.
Le passage de cette porte est ainsi un passage énergétique particulier, porteur de l'ensemble des symboles, des énergies qui sont écrites dans la pierre.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Merci monsieur pour toutes ces lumières ... Très intéressant !!

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